Félix Guattari: L’écosophie comme métamodèle esthétique et politique

 

 

Les outils nécessaires à la compréhension et à l’action se doivent d’aborder cette transversalité dans son intensité propre. L’Ecosophie de Guattari distingue, déplie, et recompose sans cesse les plans et les registres d’un écologie élargie aux dimensions sociales et spirituelles.

Des remises en questions fondamentales apparaissent : Le renouvellement de l’idée de subjectivité en termes de production, fonctionnant comme un foyer-horizon, ainsi qu’une pensée fondée sur une logique de l’intensité et sur le désir, cherchent à développer des méta-modèles, des micropolitiques, ou des Agencements qui permettent d’agir effectivement au cœur du capitalisme mondial intégré.


Attitude radicale qui vise à concevoir et vivre le paradigme esthético-politique comme la transversalité intensive indispensable à la reconstruction de l’environnement, le fondement de nouveaux rapports sociaux, l’élaboration renouvelée de la culture et de la subjectivité.


• Guattari relie les questions écologiques aux questions de civilisation, et en particulier aux questions politiques de création de la subjectivité, dans une perspective esthétique et politique


• Cette question s’enracine dans unplan, le plan de l’épiphylogenèse technique, qui l’ inclut et est encore plus profond.

Nous proposerons lors de notre dernier exposé une compréhension de l’immanence absolue du monde et de sa transcendance interne du symbolique, qui enracine le transcendant dans les corps des vivants.

 

I. PRÉLIMINAIRES
Constats
Les constats de Guattari sont directs et ne nous étonneront pas. Sans reprendre des exemples que chacun a sous les yeux aujourd’hui, Guattari voit dans les problématiques environnementales, sociales, culturelles, psychiques, des tensions dues à « l’imperium d’un marché mondial qui lamine les systèmes particuliers de valeur,[ ...] et l’ensemble des relations sociales et internationales sous l’emprise des machines policières et militaires »1. Nous assistons à la dégradation de systèmes de valeurs culturelles toujours plus soumis à la standardisation mass-médiatique et à ses impératifs orientés vers la consommation, à la dégradation des modes de vie en société, que ce soit au sein du couple, des structures de la famille, de la vie sociale, qui tendent à se décomposer ou à se stéréotyper, et à la dégradation de l’environnement à une échelle planétaire dont les conséquences semblent encore aujourd’hui sous-estimées. Constats que tout le monde peut effectuer tous les jours. Nous assistons à l’incapacité générale à affronter et à gérer le problème environnemental autrement que de manière technocratique en regard de certaines applications industrielles, et à avancer vers des solutions effectivement durables. Cette incapacité politique se double d’un évident discours réactionnaire, forme de désir de retour en arrière qui est une réponse creuse au « contexte d’éclatement, de décentrement et de multiplication des antagonismes ».


Trois écologies, trois problèmes

 

•    Écologie environnementale Les problèmes environnementaux vont jusqu’aux possibilités mêmes de la vie : il ne s’agit plus seulement d’un problème de biodiversité, mais de l’ensemble du possible de la vie sur terre qui est en jeu.

 

•    Écologie Sociale Les catastrophes environnementales vont de surcroît elles aussi mettre au jour des problématiques sociales majeures, et assurément la destruction des rapports ancestraux de solidarité.

 

•    Écologie mentale Les déséquilibres sociaux et environnementaux sont inséparables de l’idée d’équilibre mental, de la question de l’abord psychotique du monde, de la normose fabriquée par le capitalisme « cognitif », ....

 

Laminage des subjectivités

• Créationdevaleursartificiellesetidéed’individu Le laminage des subjectivités, contrairement à ce que l’on pourrait penser, se construit sur l’idée de l’individu. I am what I am. L’individu est le produit du pouvoir. Cette fabrication de subjectivité normalisée se constitue à travers l’imperium du marché mondial qui, après avoir rendu équivalentes toutes les valeurs, consiste aujourd’hui dans la création de systèmes de valeurs artificiels. •    Le pouvoir tente de plus en plus à glisser vers des modes de production de la subjectivité, de signes de syntaxes plutôt
que vers la production de biens.

•    Contrôle : Cette production de subjectivité soutient le contrôle Politique et policier vont aujourd’hui d’un même pas : les accords entre les états et les systèmes policiers font que l’ensemble des relations est placé sous l’emprise des machines policières et industrielles.

 


Fabrication de subjectivité imaginaire : l’enjeu esthétique


La question est esthétique. Une chape imaginaire vise à générer les mêmes types, travaille à l’absolue indifférenciation des êtres et des valeurs, en construisant une sensibilité fabriquée de manière industrielle.

 


Dégradation du sentir partagé


Cette dégradation du sentir partagé est un problème politique mouvant situé à l’intersection de différents plans. On le retrouve en creux dans

•    Les revendications de solidarité

•    Les questions nationalistes

•    La tiers-mondialisation d’une partie du monde occidental

•    La non-gestion du capitalisme occidental de ses « progrès » techniques et sociaux.

 

Equivalence des valeurs


Un des pires traits du capitalisme mondial intégré, pour Guattari, est l’aplanissement des valeurs, leur équivalence.

Ce « caractère fallacieux d’un certain nombre de domaines du réel »1 empêche de considérer les problèmes dans leur ensemble.

 

Cloisonnement des savoirs : incapacité de chaque discipline cloisonnée et transversalité.

Infrastructures et superstructures


L’équivalence des valeurs marche avec le cloisonnement des savoirs.

Même les logiques marxistes, autrefois si efficaces, ne peuvent plus expliquer les problématiques actuelles: les conceptions infrastructurelles (économico-matérielles) des productions de subjectivité ne sont plus tenables : celles- ci contaminent les superstructures en tant que système de production économique.


• Développer cette vision globale ou transversale est devenu presque impossible.

Ce cloisonnement des savoirs recèle l’incapacité de chacune des disciplines à apporter à elle seule la solution au problème,

et l’acceptation tacite de la catastrophe.

 


Paradoxes

 

 

Développement des techniques et Incapacité à agir

 

Faut-il préciser les innombrables et grandissantes difficultés que rencontre la lucidité pour agir dans le sens de sa conscience? Le gouffre ne semble que grandir. Le développement accéléré des techniques, pourtant susceptibles de résoudre les questions écologiques, va de pair avec l’incapacité des structures sociales de s’en emparer pour les rendre opératoires.


Cette incapacité à agir ne fait que grandir, alors que nous disposons de techniques et de technologies de plus en plus sophistiquées. L’incapacité à résoudre les questions écologiques, les fractures et les décompositions sociales donne le vertige devant la puissance technologique.

 


Accès aux savoirs et ségrégation de leur élaboration

 

Nous disposons d’accès aux savoirs incroyables, et assistons à une refermeture ségrégative sur leur élaboration. Nous assistons à une mondialisation des accès et des systèmes anthropologiques, et un repli identitaire des nationalismes et des régionalismes.

 


Nationalismes, techniques et capitalisme ; Déterritorialisation-Reterritorialisation.

 

Notre civilisation est menacée des pires intégrismes, et des pires séparatismes. Ce paradoxe de l’augmentation de la technique et de l’idée de « bien-être » est indissociable de la question de la production de subjectivité. Il y va de la réaction naturelle de l’homme à se recréer des territoires, quels qu’ils soient, pour résister tant bien que mal à la marée capitalistique des équivalents- valeurs. L’origine de ce paradoxe réside dans le mécanisme Déterritorialisation-Reterritorialisation.

Le capitalisme dans sa déterritorialisation vise toujours à effacer les territoires, court-circuiter les flux, qui tous ensemble constituaient les matières qui engendraient et supportaient la subjectivité, et dans sa reterritorialisation factice de plus en plus fabriquée, à transformer les flux ancestraux court-circuités en circuits contrôlés, maîtrisés, et quantifiés.

Cette immanence est constituée de toutes pièces par le pouvoir, une immanence fabriquée, sous-tendue par des logiques et des systèmes de valeurs unifiants.

 

Une pensée du paradoxe : logique de l’intense et schizo-analyse


Il est pourtant impossible d’autonomiser les domaines des techniques, du savoir, de l’art, des praxis, de la culture.... Ils sont tous inter-reliés. Il s’agit alors de réorienter, ne pas revenir en arrière. Chercher une pensée qui s’installe dans le paradoxe, dans l’intense, dans le changement de plan.

 

• Quelle mutation faut-il faire subir à une pensée pour qu’elle se montre capable de changer de plan?

(…)

 

Toutes les citation sont issues de : Les trois écologies, GUATTARI Félix, Paris, Éditions Galilée, 1989.

 

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